mercredi 19 mars 2008

Lettre ouverte à Monsieur Nicolas Princen, chargé de la veille internet par le président Sarkozy

Monsieur le Directeur chargé de la veille internet,

Soucieux de servir notre beau pays en participant à votre salutaire mission, je crois de mon devoir de citoyen de signaler à votre attentive vigilance les scandaleux faits suivants.

De dangereux activistes, sans aucun doute financés et inspirés par les terroristes internationaux les plus diaboliquement pervers, animent un site internet, où figurent ouvertement les abominations ci-dessous :

- affirmation ignoblement calomnieuse que certaines promesses de Notre Président ne sont ni tenues, ni en cours de réalisation ;

- honteuse propagande mensongère prétendant que le nombre d’allocataires du RMI n’est en baisse que de 8%, alors que l’action de Notre Gouvernement est à l’évidence infiniment plus efficace ;

- scandaleuse déformation de la vérité à des fins bassement politicardes, en écrivant frauduleusement que « Patrick Devedjian a souligné que le résultat des élections municipales et cantonales fait état d’une défaite toute relative », alors qu’il s’agit d’une éclatante victoire, comme en témoignent triomphalement les admirables succès obtenus à Marseille, Toulon et Nice ;

- volonté sournoise de travestir la réalité en écrivant que « les attaques des socialistes sont affligeantes » , alors qu’elles sont, comme le savent bien tous les citoyens épris de vérité, ignobles et pétries de perversité racoleuse et que toute cette racaille gauchomaoïste devrait depuis belle lurette croupir dans les culs-de-basse-fosse de la République Moderne ;

- et bien d’autres ignominieuses turpitudes prétendant abuser les Bons Français.

Le site en question a même la scandaleuse impudence, afin de mieux tromper les honnêtes citoyens, d’imiter grossièrement les sigle et couleurs de Notre Parti Unique l’U.M.P. et pousse la provocation jusqu’à évoquer son Nom dans son adresse (http://www.u-m-p.org/site/index.php).

Je me permets en conséquence de prendre très humblement la liberté de vous remercier par avance de bien vouloir vous pencher sur ces manœuvres cryptostaliniennes visant à discréditer de la plus traîtreuse manière, et avec les moyens les plus sournoisement vils, l’action de Notre Président – que Dieu le garde – et de Notre Gouvernement – Dieu le bénisse – et à menacer l’existence même de nos Institutions et les fondements bien assis de notre Société Libérale.

Dans cet espoir et avec le sentiment du Devoir accompli face à cette hideuse entreprise de propagande trotskoanarchiste, je vous prie de croire, Monsieur le Directeur chargé de la veille internet, à mon profond respect ainsi qu’à mon entier dévouement à la Cause de Notre Président et de ses amis du CAC40.


Philippe Renève


lundi 10 mars 2008

Le principe de non-rétroactivité de la loi


A l’heure où certains voudraient remettre en cause ce point fondamental, il me paraît utile de lire ou de relire ce qu’en disait un des créateurs de notre Code civil : il serait vain de tenter d’innover quand les Anciens ont écrit de si belle façon.

Discours préliminaire
du premier projet
de Code civil
Extrait du discours prononcé le 21 janvier 1801
par Jean-Étienne-Marie PORTALIS.

C’est un principe général que les lois n’ont point d’effet rétroactif.
À l’exemple de toutes nos assemblées nationales, nous avons proclamé ce principe.
Il est des vérités utiles qu’il ne suffit pas de publier une fois, mais qu’il faut publier toujours, et qui doivent sans cesse frapper l’oreille du magistrat, du juge, du législateur, parce qu’elles doivent constamment être présentes à leur esprit.
L’office des lois est de régler l’avenir. Le passé n’est plus en leur pouvoir.
Partout où la rétroactivité des lois serait admise, non seulement la sûreté n’existerait plus, mais son ombre même.
La loi naturelle n’est limitée ni par le temps, ni par les lieux, parce qu’elle est de tous les pays et de tous les siècles.
Mais les lois positives, qui sont l’ouvrage des hommes, n’existent pour nous que quand on les promulgue, et elles ne peuvent avoir d’effet que quand elles existent.
La liberté civile consiste dans le droit de faire ce que la loi ne prohibe pas. On regarde comme permis tout ce qui n’est pas défendu.
Que deviendrait donc la liberté civile, si le citoyen pouvait craindre qu’après coup il serait exposé au danger d’être recherché dans ses actions, ou troublé dans ses droits acquis, par une loi postérieure.
Ne confondons pas les jugements avec les lois. Il est de la nature des jugements de régler le passé, parce qu’ils ne peuvent intervenir que sur des actions ouvertes, et sur des faits auxquels ils appliquent des lois existantes. Mais le passé ne saurait être du domaine des lois nouvelles, qui ne le régissaient pas.
Le pouvoir législatif est la toute-puissance humaine.
La loi établit, conserve, change, modifie, perfectionne. Elle détruit ce qui est ; elle crée ce qui n’est pas encore.
La tête d’un grand législateur est une espèce d’Olympe d’où partent ces idées vastes, ces conceptions heureuses, qui président au bonheur des hommes et à la destinée des empires. Mais le pouvoir de la loi ne peut s’étendre sur des choses qui ne sont plus, et qui, par là même, sont hors de tout pouvoir.
L’homme, qui n’occupe qu’un point dans le temps comme dans l’espace, serait un être bien malheureux, s’il ne pouvait pas se croire en sûreté, même pour sa vie passée : pour cette portion de son existence, n’a-t-il pas déjà porté tout le poids de sa destinée ? Le passé peut laisser des regrets ; mais il termine toutes les incertitudes. Dans l’ordre de la nature, il n’y a d’incertain que l’avenir, et encore l’incertitude est alors adoucie par l’espérance, cette compagne fidèle de notre faiblesse. Ce serait empirer la triste condition de l’humanité, que de vouloir changer, par le système de la législation, le système de la nature, et de chercher, pour un temps qui n’est plus, à faire revivre nos craintes, sans pouvoir nous rendre nos espérances.
Loin de nous l’idée de ces lois à deux faces, qui, ayant sans cesse un œil sur le passé, et l’autre sur l’avenir, dessécheraient la source de la confiance, et deviendraient un principe éternel d’injustice, de bouleversement et de désordre.
Pourquoi, dira-t-on, laisser impunis des abus qui existaient avant la loi que l’on promulgue pour les réprimer ? Parce qu’il ne faut pas que le remède soit pire que le mal. Toute loi naît d’un abus. Il n’y aurait donc point de loi qui dût être rétroactive. Il ne faut point exiger que les hommes soient avant la loi ce qu’ils ne doivent devenir que par elle.

Merci, monsieur Portalis.



dimanche 9 mars 2008

Ne dites plus… mais dites… ou le vocabulaire politiquement correct du XXIe siècle

Il serait grand temps de prendre conscience [1] des changements profonds intervenus dans la langue française depuis quelques décennies dans les domaines politique, économique et social, et qui s’accélèrent de vertigineuse façon depuis quelques mois.
Il est intéressant d’en dresser un début d’inventaire, qui pourra être complété par les lecteurs.
Par convention, le signe = sera employé dans le sens de « est remplacé par ».

Petit traité de sémantique libérale
A (Aide aux plus démunis) à C (Corruption)

Aide aux plus démunis = assistanat. Ex. L’assistanat, qui induit une lamentable mentalité d’assisté, doit dans une société moderne faire place à la charité privée, qui crée un louable sentiment de reconnaissance et libère la croissance économique en réduisant l’imposition des forces vives de la nation (voir Entreprises privées).
Allégement d’impôts pour les plus aisés = paquet fiscal, loi TEPA. Ex. Le président a fait un grand pas en avant vers la justice sociale par le paquet fiscal, qui réduit les droits de succession et de donation et protège les nantis derrière un flamboyant bouclier anti-impôts.
Augmentation de l’emploi précaire = baisse du chômage. N.B. Deux ou trois salariés en CDD à temps partiel, au minimum horaire exonéré de charges, remplacent avantageusement un salarié à temps plein parti en préretraite avec trente ans d’ancienneté.
Caisse noire = fluidifiant de relations sociales. Ex. Selon ses dirigeants, les fonds officieux de l’UIMM ont fluidifié les relations sociales.
Capitalistes = actionnaires, épargnants. Ex. Les épargnants se félicitent de la baisse d’un tiers de l’impôt sur les sociétés.
Centre de profit = pôle économique. Ex. L’usine Michelin, pôle économique de Clermont-Ferrand.
Chevalier d’industrie = repreneur d’entreprises. Ex. D’aucuns prétendent que M. Bernard T*** fut un éminent repreneur.
Chômeur = demandeur d’emploi. Offreur d’emploi, curieusement, n’est pas utilisé.
Clochard, cloche, clodo, etc. = SDF. N.B. Le SDF ne sent pas mauvais.
Code du Travail, législation sociale = frein à l’embauche, réglementation tâtillonne de l’emploi. N.B. L’Inspecteur du Travail (Inspector laboris L.), espèce affectée par des maladies paralysantes et une réduction des effectifs, est en voie de disparition.
Concentration = rationalisation, synergie, gains de productivité. N.B. ne réduit jamais la concurrence. Ex. la concentration dans le domaine de la téléphonie portable (du pétrole, des services des eaux, de l’agroalimentaire, de la grande distribution, rayer la mention inutile) a profité au consommateur.
Concurrence = marché, selon l’occasion. Ex. Les forces du marché doivent être respectées entre les petits producteurs. Voir Marché.
Concurrence déloyale = concurrence. N.B. La notion et l’expression de concurrence déloyale tombent naturellement en désuétude, du moins pour les économies de pays riches, puisque la concurrence est par essence loyale et bénéfique. Elle devient une sorte d’état naturel, de grâce immanente, qui souffre avec une tolérance innée et une grande bonhomie les exceptions les plus capilloérectrices, comme les multiples ententes entre grands groupes.
Conglomérats = grands groupes.
Conventions collectives = accords par branches. Le mot collectif et ses dérivés sont bannis du vocabulaire de l’honnête homme moderne.
Corruption = fluidifiant de relations sociales. Voir Caisse noire.

D (Défense des salariés) à O (Oligopoles)

Défense des salariés = syndicats archaïques, obsolètes. Ex. Les syndicats archaïques appellent à défendre le pouvoir d’achat des privilégiés de la fonction publique.
Déficit des comptes publics = caisses vidées par les gouvernements passés;
1 - en période préélectorale, charge insupportable pour les générations futures ;
2 - en période postélectorale, parlons d’autre chose : d’allégements d’impôts, par exemple.
Déficit du système de protection santé = trou de la Sécu. Tend à faire croire qu’elle finira par y basculer, et qu’il faut donc passer à un système d’assurances volontaires privées, dont les Américains les plus pauvres ne cessent de se féliciter.
Déréglementation = libéralisation. Ex. la libéralisation des transports aériens a amené une concentration dans le secteur (i.e. des faillites).
Déréglementer = libérer la croissance, desserrer les freins de la croissance, libérer les énergies.
Diminuer la protection juridique des salariés = libérer les énergies, simplifier les formalités pour les entreprises.
Entreprise qui licencie malgré des profits records = entreprise bien gérée améliorant sa compétitivité.
Entreprise réalisant des profits scandaleux = entreprise particulièrement performante. Cas particulier : entreprise réalisant des profits scandaleux par la seule valorisation de ses stocks = pétrolier.
Entreprises privées = forces vives de la nation.
Exploitation des pays pauvres = délocalisation.
Faciliter les licenciements = réduire les freins à l’embauche.
Fermeture d’usine = rationalisation de la production, hausse de productivité, recherche de synergies (d’effets d’échelle, de compétitivité), simple délocalisation.
Fonctionnaires (variante : fonctionnaires mal payés) = privilégiés (variante : privilégiés employés à vie).
Français = ménages. Ex. Les ménages constatent un tassement relatif de leur revenu en termes réels (et non plus les Français subissent une baisse de pouvoir d’achat).
Grand capital = tissu industriel.
Impérialisme économique = mondialisation.
Indemnisation du chômage = assistanat. Ex. L’assistanat creuse les déficits et est créateur d’oisiveté, comme le chômage du dimanche au XIXe siècle. Voir Aide aux plus démunis.
Licenciement collectif = compression de personnel, réduction d’effectifs, hausse de productivité.
Licenciement individuel = séparation à l’amiable (bientôt).
Licencier = se séparer d’un collaborateur.
Lutte contre l’inflation = politique monétaire. Ex. La politique monétaire de la BCE enchérit l’euro et plombe la croissance en Europe.
Marché = concurrence, selon l’occasion. Ex. La concurrence étrangère, souvent déloyale, étrangle certains grands groupes. Voir Concurrence.
Monopoles = grands groupes.
Monsieur le président de la République française = Nicolas Sarkozy (variante : Sarkozy, Sarko).
Oligopoles = grands groupes.

P (Paradis fiscal) à V (Vautours de la finance)

Paradis fiscal = offshore. Ex. Les grands groupes français ont tous des filiales financières offshore.
Passer quelques jours sur un yacht de milliardaire = travailler plus pour gagner plus. Oups, pardon.
Patronat = MEDEF.
Patrons = dirigeants, forces vives, entrepreneurs, chefs d’entreprise (au pire).
Patron voyou, vampire du capital = agent économique rationnel.
Pauvreté = précarité. Voir aussi ce mot. Sous-entend un état transitoire et rassure le locuteur.
Politique favorisant les nantis = réforme (nécessaire, inévitable).
Pot de vin : voir Corruption.
Précarité du travail = flexibilité. Le point de vue de l’observateur est passé du salarié à l’employeur, ce qui est un phénomène fondamental expliquant ces évolutions sémantiques.
Privatisation = ouverture du capital, libéralisation, restitution d’activités aux forces du marché. Elle n’est pas un cadeau somptueux aux grands capitalistes au détriment des citoyens consommateurs. Ex. la libéralisation des sociétés d’autoroutes a aidé les grands groupes à améliorer leur compétitivité.
Privatisation du secteur public de la santé = réforme hospitalière.
Profits = bénéfices : on ne profite plus d’une situation (actif, péjoratif), on en bénéficie (passif, positif).
Prolétariat = salariés.
Rachat d’actions par l’entreprise = investissement. Ex. Les grands groupes favorisent leurs actionnaires par l’investissement dans la croissance du bénéfice par action.
Riches, richards = libéraux, forces vives, épargnants, chefs d’entreprise (au pire).
Salariés = collaborateurs (microéconomie), classes moyennes (macroéconomie). Ex. 1. Nos collaborateurs travaillent plus pour gagner plus. 2. La consommation des classes moyennes est en berne.
Salaud de capitaliste = patron voyou. Ex. Un patron voyou (étranger) déménage en cachette les machines d’une usine.
Se crever la paillasse pour gratter trois ronds de plus = travailler plus pour gagner plus.
Solidarité = prélèvements (confiscatoires). Ex. Les prélèvements énormes de l’Etat en cotisations sociales étranglent les plus performantes de nos entreprises.
Soupe populaire = Restos du Cœur. Ex. Les clochards allaient à la soupe populaire, les salariés précaires modernes vont aux Restos du Cœur.
Subventionner les entreprises = libérer les énergies, réveiller les forces vives. Appartient au domaine des réformes (voir Politique favorisant les nantis).
Subventions publiques aux entreprises = allégement de charges sociales, économie politique.
Taper dans la caisse = avoir recours à un abus de biens sociaux. Ex. Les entrepreneurs ayant recours à des abus de biens sociaux (par erreur, sous la menace, par distraction ou pour se nourrir) n’encourront bientôt plus d’amende ni de peine de prison.
Usurier = organisme de prêt à la consommation. N.B. Le taux usuraire (20,88% au 1er janvier 2008) est celui que ne doivent pas atteindre ceux que pratiquent ces sociétés, actuellement entre 18 et 20% hors assurance et en petites lettres.
Vautours de la finance = investisseurs, fonds d’investissement. Ex. Un fonds d’investissement a mis un pied dans le capital de Charles Jourdan.


Petit addendum


Banque = établissement financier. Ex. Un établissement financier a ramassé une gamelle en platine iridié en laissant un couillon de trader jouer aux petites marionnettes avec son ordinateur.
Boîte, taule = entreprise. Ex. Autrefois, les grosses boîtes exploitaient les travailleurs; les grandes entreprises modernes coachent leurs salariés.
Petit chef = cadre moyen. Ex. Si les travailleurs ne pouvaient pas encadrer les petits chefs, les salariés opinent du chef devant les cadres moyens.
Suceur de sang de la classe ouvrière = administrateur. Ex. Le suceur de sang brechtien de la classe ouvrière portait chapeau rond, col de fourrure et cigare; l’administrateur actuel porte bien ses cinquante ans, un sourire Email Diamant et un polo Lacoste rouge sang ou jaune canari.
Suppôt du grand capital = cadre supérieur, cadre dirigeant. A noter qu’il n’existe pas de petit cadre.
Travailleur = salarié. Ex. A l’époque de Zola, l’alcoolisme faisait des ravages chez les travailleurs ; à l’époque de Beigbeder, le chômage fait des ravages chez les salariés.



[1] la prise de conscience est une activité maintenant très tendance.